Voici le temps venu de faire choix du Dauphin de notre Ordre, de celui (ou de celle) qui, s’il est confirmé, aura à succéder à notre Bâtonnier Eric ALLAIN
Et me voici, résolue à solliciter à nouveau vos suffrages, avec audace mais sans vanité, avec détermination mais dans la sérénité.
A ceux qui lui demandaient : « pourquoi maintenant ? », mon concurrent et ami a répondu. A mon tour d’apporter réponse à ceux qui chuchoteraient : « pourquoi encore ? »...
Tout simplement par amour.
Le mot est fort, direz-vous. C’est pourtant le seul qui vaille.
L’amour d’une belle et noble profession, bien qu’aujourd’hui en quête de son identité du fait de la mutation entamée depuis 1990 et des bouleversements qu’elle a générés.
L’amour d’un Barreau parfois frondeur mais toujours généreux, dont l’image, il est vrai, s’est brouillée.
Un amour que n’ont pas émoussé trente années d’exercice professionnel, dont neuf années passées au Conseil de l’Ordre, avec la charge successivement ou concomitamment de la communication, du trésor, des relations du Barreau avec Notaires, Huissiers, Juges aux Affaires Familiales, de la formation, dont celle des plus jeunes tant dans le cadre de notre atelier d’éloquence que dans celui de l’antenne de CRETEIL de l’Ecole de Formation du Barreau.
Le Bâtonnier représente le Barreau dans tous les actes de la vie civile. Il est l’interlocuteur des autorités judiciaires ou administratives, des pouvoirs publics et des tiers s’agissant des intérêts de l’Ordre et de la défense en général.
Mais c’est au Conseil de l’Ordre qu’il revient de traiter toute question intéressant l’exercice de la profession et de veiller à l’observation tant des devoirs des avocats qu’à la protection de leurs droits.
C’est au Conseil de l’Ordre qu’il appartient de concourir à la discipline, de maintenir les principes de probité, de désintéressement, de modération et de confraternité sur lesquels repose la profession.
C’est encore à lui qu’il incombe de gérer les biens de l’Ordre, de préparer le budget, d’administrer et d’utiliser ses ressources pour assurer les secours, de répartir les charges entre ses membres et d’en poursuivre le recouvrement.
C’est enfin à lui de veiller à ce que les avocats aient satisfait à l’obligation de formation continue à laquelle ils sont désormais soumis.
Alors, Bâtonnier, pourquoi faire ? …
Pour inspirer, encourager, favoriser et fédérer les énergies, parce qu’il doit être pour notre collectivité un « moteur ».
Pour écouter, comprendre, assister et défendre parce qu’il doit être aussi pour chacun d’entre nous un « refuge ».
Quand bien même notre Ordre serait devenu une véritable entreprise, la technicité ne saurait l’emporter sur l’humanité.
UN BATONNIER « MOTEUR »
L’image de notre Barreau s’est terriblement assombrie et le voilà devenu, sous la plume de quelques uns et le regard de beaucoup d’autres, un Barreau de « pauvres avocats de pauvres » ! Cela n’est pas tolérable !
C’est oublier que notre Barreau fait partie des plus grands.
C’est oublier qu’il est largement présent tant au Conseil National des Barreaux qu’à la Conférence des Bâtonniers.
C’est oublier qu’il est également représenté dans nos organismes techniques, qu’il s’agisse de la CNBF, de l’ANAAFA ou encore de l’UNCA.
Il appartient au Bâtonnier, par une démarche résolument tournée vers l’extérieur, de tendre à lui rendre la place qu’il a perdue dans la vie économique et publique du département, de l’aider à retrouver sa dignité.
Si nous avons tissé des liens forts avec nos partenaires naturels (magistrats, huissiers, notaires, université…), nous n’avons toujours pas su toucher les forces vives du département. Pire, nous perdons chaque jour du terrain, à preuve l’omniprésence de notre « grand frère parisien » devant nos juridictions.
Quel remède à cela ?
Quels moyens pour nous réapproprier notre environnement ?
UNE COMMUNICATION RENFORCEE D’ABORD
Notre Barreau doit toujours et encore se faire mieux connaître.
Certes sous l’égide de nos précédents bâtonniers, des efforts ont été entrepris qui ont permis d’attirer l’attention d’un plus large public sur notre Barreau. C’est ainsi que le « Billet de l’Ordre » à l’origine vecteur d’une communication interne, est désormais largement diffusé et l’on sait qu’il recueille un écho favorable auprès tant des organismes représentatifs de la profession que des élus du département.
Mais il nous faut aller plus loin
. en nous rendant perméables aux nouvelles technologies de la communication : actualiser et moderniser le site internet du Barreau et favoriser l’installation dans nos cabinets de semblables sites
. en nouant des liens pérennes avec les medias professionnels ou non, nationaux et locaux, qu’ils soient écrits ou télévisuels : les inviter à relayer les éléments phares du Barreau tels « Les Entretiens de Droit Comparé », « Les Etats-Généraux du Val de Marne » ou encore notre « Rentrée Solennelle » ; autrement dit, créer l’évènement et le faire connaître ; la renommée du Barreau, son rayonnement profiteront à tous et à chacun
. en favorisant aussi une publicité fonctionnelle, certes respectueuse de nos règles mais plus conforme à la réalité d’un marché concurrentiel. Une cellule de communication sous l’égide de la Commission Déontologie et le contrôle du Conseil de l’Ordre pourrait utilement aider à la reconnaissance de ceux de nos confrères qui, occasionnellement ou non, sont en charge d’affaires propres à intéresser les medias, naturellement dans le respect de la confidentialité et du secret professionnel.
UN DEVELOPPEMENT DES STRUCTURES D’EXERCICE ENSUITE
Aujourd’hui, l’avocat « universel » n’est plus.
L’insécurité juridique liée à l’inflation normative de ces dernières années a tué le praticien généraliste et commandé la « spécialisation ».
Comment dès lors concilier « spécialisation » et « clientèle de proximité », si ce n’est par le regroupement des compétences des cabinets.
Les structures plurielles doivent être encouragées ; elles permettront de répondre efficacement à la concurrence des cabinets parisiens au regard de la clientèle des entreprises comme de celle des particuliers.
Elles favoriseront en outre l’intégration des plus jeunes.
Sur ce point, nous avons le devoir de promouvoir la collaboration libérale. Notre souci de garantir une véritable intégration dans la profession nous y invite, la disparition du stage nous le commande.
La collaboration, c’est pour le collaborateur la possibilité d’exercer pleinement son métier d’avocat et de développer une clientèle qui lui permettra à terme de s’installer mais c’est aussi pour le Cabinet auquel il appartient l’affranchissement des contraintes du salariat et donc un atout financier non négligeable.
Toutefois le « parrainage » opportunément instauré voilà quelques années par Madame le Bâtonnier BEDOU-CABAU ou le « tutorat » imaginé par le Bâtonnier Eric ALLAIN devront être renforcés pour faire obstacle tant à l’apparition de « salariés sans droit », jeunes avocats travaillant sous le statut libéral sans bénéficier d’aucun de ces avantages, qu’au désarroi de ceux qui, nouvellement installés, sont éminemment inexpérimentés.
A cette tâche, la Commission Jeune Barreau devra s’atteler sans désarmer.
LA SAUVEGARDE ET LA PROMOTION DE NOS VALEURS ENFIN
« Honneur, Probité et Délicatesse » telles sont les valeurs qui font la noblesse et l’indépendance de notre profession.
Elles sont pour nos concitoyens un gage de sécurité et de crédibilité et doivent donc demeurer au cœur de nos préoccupations, en dépit des difficultés économiques que nous pouvons rencontrer, ou plutôt à cause d’elles.
C’est notre déontologie qui nous distingue de nos concurrents et fait la différence.
C’est d’elle que nous obtiendrons la confiance de nos clients et le respect de nos partenaires.
C’est donc elle qui assurera la survie de notre profession et il appartient par conséquent au Bâtonnier de veiller à ce qu’elle soit respectée.
Sans doute la norme déontologique doit-elle connaître une nécessaire évolution mais elle doit conserver le sens profond de nos valeurs et de nos principes essentiels.
La Loi qui a dépossédé le Conseil de l’Ordre de son pouvoir disciplinaire a instauré le Bâtonnier en autorité de poursuites. Mais avant de s’ériger en « procureur », il appartient au Bâtonnier de faire œuvre de pédagogie et de convaincre s’il en est besoin que respecter la déontologie, c’est défendre la profession.
UN BATONNIER « REFUGE »
Solidarité et Partage ont toujours constitué des obligations sacrées pour notre Barreau. Elles doivent continuer à s’exprimer au quotidien à l’égard de tous et quels que soient leur âge, leur chemin professionnel, leur mode d’exercice dans l’équilibre et l’égalité.
POUR PLUS DE SOLIDARITE
C’est ainsi que nous devons porter notre regard sur les plus anciens d’entre nous qui souhaitent se retirer et aspirent de le faire dans la dignité matérielle et sur ceux aussi qui, frappés par les accidents de la vie, attendent légitimement de notre communauté aide et assistance.
Le Fonds d’Intervention Sociale (FIS) créé en son temps par le Bâtonnier Daniel-Julien NOEL doit jouer son rôle mais le Fonds d’Aide Sociale de la Caisse Nationale des Barreaux Français (CNBF) plus encore et par priorité.
L’Ordre, par le biais de la « Petite Cochef », œuvre du Bâtonnier Charles MOSCARA, pourrait en faciliter la saisine.
Nous devons aussi nous soucier des jeunes mères d’un Barreau largement féminisé et songer à augmenter les aides à la maternité.
L’organisation d’une halte-garderie (avec ou sans le concours de l’Association du Palais) pourrait faciliter leur quotidien.
VERS DAVANTAGE DE PARTAGE
Le partage des moyens matériels et de la connaissance doit également constituer une priorité
. voilà maintenant plus de deux années que nous sommes assujettis à une obligation légale de formation continue.
Parfois mal vécue par beaucoup d’entre nous, cette obligation doit être ressentie comme la réponse à un besoin, une nécessité pour notre exercice professionnel.
Elle nous permet en effet de parfaire nos compétences et notre savoir faire mais elle nous permet aussi et peut-être surtout de découvrir de nouveaux pans du droit et partant de conquérir de nouveaux marchés.
Il est du devoir du Bâtonnier de faciliter l’accès de tous à cette formation
. la gratuité des ateliers régulièrement organisés dans les locaux de l’Ordre doit perdurer, non pas tant en raison du caractère obligatoire de la formation continue mais parce que la situation économique de beaucoup est obérée.
. à ces ateliers doivent venir s’ajouter, en partenariat avec magistrats, huissiers de justice, notaires, experts, experts comptables et les universitaires, des conférences-débats telles les « cafés-croissants juridiques » dont la périodicité doit être améliorée.
. « L’université d’été » imaginée en son temps par le Bâtonnier Jean-François MOREAU et dont la vie aura été trop brève doit impérativement renaître. La qualité des relations entretenues avec la Faculté de Droit de PARIS XII et son Institut d’Etudes Judiciaires, nous y incite.
. enfin, des stages de courte durée dans les Cabinets, les Etudes, les Offices (assortis pourquoi pas d’une clause de réciprocité) seraient aussi riches d’enseignement pour tous. L’illustration nous en a été récemment donnée par les Juges consulaires du Tribunal de Commerce de CRETEIL qui ont bien voulu nous ouvrir leurs portes.
Le partage de la connaissance doit se conjuguer avec celui des moyens matériels et sur ce point nos efforts doivent essentiellement être consacrés à ceux qui prêtent serment ou le feront demain, et à ceux là surtout car ils sont la richesse de notre Barreau, ils constituent son avenir.
Il nous faut impérativement aider à leur installation.
Gardons-nous toutefois de sacrifier à la démagogie. Sans doute les finances de notre Ordre sont-elles aujourd’hui assainies et grâce soit ici rendue au courage et à la rigueur de Madame le Bâtonnier BEDOU-CABAU. Pour autant la prudence s’impose.
Alors ne parlons pas de prêts bonifiés aux incidences fiscales mal cernées et donc redoutables. Parlons plutôt de prêts à taux préférentiel parce que négociés avec nos partenaires financiers
Ne parlons pas non plus d’exonération totale ou partielle de la prime responsabilité civile personnelle car elle supposerait une charge supplémentaire pour ceux ne bénéficiant pas de cette exonération. Parlons plutôt de l’instauration d’un «bonus-malus», incitation à l’excellence avec ses effets induits : diminution de notre taux de sinistralité et partant réduction du montant de la prime.
Favorisons la mise à disposition de fournitures et de matériels à des conditions privilégiées puisqu’au moyen d’achats groupés en redonnant à la SCB 94, par nature destinée à faciliter notre exercice professionnel, sa vocation première de « Société Civile Coopérative ».
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Les chantiers sont nombreux et le présent état n’a rien d’exhaustif.
En tout cas rien de tout cela ne se fera sans nos énergies conjuguées.
Le Bâtonnier n’est pas un homme (ou une femme…) providentiel. Il n’est qu’ « unus inter pares », mais il peut, il doit donner à tous courage, enthousiasme, et pugnacité. Et c’est ce que je crois pouvoir faire avec votre concours.
« Conquérants et Solidaires », voilà comme je nous veux.
J’ai pour nous cette ambition, pas une ambition personnelle mais une ambition pour tous : celle de nous rendre le RESPECT DE NOUS-MEMES et le GOUT D’ETRE AVOCAT.
Fidèlement.